Dans un précédent article consacré aux « Peintures sacrées du Bhoutan», je vous racontais à quel point j’avais été fascinée par la beauté des peintures omniprésentes dans les temples et sur les façades des maisons. Je faisais également allusion bien sûr aux peintures phalliques qui ornent les façades des maisons dans l’ouest du pays en guide de porte-bonheur pour améliorer la fécondité et la chance des habitants.
Je vais maintenant vous parler de la fresque que l’on retrouve le plus fréquemment dans le vestibule des sanctuaires ou sous forme de tableaux ou de thangkas (tentures murales) sur les murs des habitations, restaurants ou hôtels. Elle représente » l’Histoire des 4 amis » appelée également « Histoire des 4 frères harmonieux ». Cette belle histoire dont les acteurs sont un éléphant, un lièvre, un singe et un faisan est représentée sur le thangka qui sert de porte au dortoir des petits moines dans ce monastère.
Cette histoire est extraite du Tittira-Jataka (récit des vies antérieures de Bouddha)
On la retrouve de façon très présente dans l’iconographie des régions du Tibet, du Népal et du Bhoutan. On dirait une fable de La Fontaine… mais le texte originel décrit en fait une histoire racontée par Bouddha à ses disciples. Elle connaît plusieurs interprétations. Je vous raconte ici la plus connue, avec l’aide de l’association bouddhiste gendundrupa et avec le monde des voyages, et pour illustrer cette légende, vous propose des photos des « quatre amis » prises sur différents supports et dans différents endroits …
L’histoire commence ainsi…
Il était une fois dans une forêt à Vârânasî ( Inde ) quatre animaux, un éléphant, un lièvre, un singe et un faisan (ou une perdrix selon les versions…) qui se disputaient la propriété d’un arbre que tous revendiquaient pour se nourrir. Un jour, le faisan s’éleva très haut dans les airs, par-delà les nuages, et rapporta dans son bec une graine. C’était une graine d’un arbre magique qui pouvait vivre éternellement et donner des fruits toute l’année. Le lièvre, fort intelligent, comprit qu’il fallait mettre la graine en terre, comme le font les hommes. Le singe, lui, la fuma tous les jours pour qu’elle se développe bien et l’éléphant l’arrosa régulièrement, en puisant avec sa trompe de l’eau d’une rivière qui coulait près de là.
La graine devint pousse, la pousse plante, puis arbre et celui-ci grandit rapidement. Bientôt, il commença à donner des fruits. En voyant les beaux fruits mûrs, le faisan pensa : « C’est moi qui ai apporté la graine, cette action me revient, et les fruits sont à moi ! » Et, tous les jours, il se posa sur la cime de l’arbre pour déguster les fruits les plus mûrs. Le singe, très agile, grimpa sur l’arbre et croqua les fruits à sa guise. N’avait-il pas fumé la pousse de l’arbre chaque jour ? L’éléphant secoua les branches pour ramasser aussi quelques fruits. Seul le lièvre, incapable de voler, de grimper ou de secouer l’arbre, ne pouvait que regarder les fruits de l’arbre sans pouvoir les atteindre.
Mais l’arbre continua à pousser et, un jour, il fut si haut que même l’éléphant n’arriva plus à atteindre les branches lourdes de fruits. Le plus grand et le plus fort des animaux se plaignit alors à l’oiseau et au singe : Tout cela est injuste ! Vous seuls pouvez manger des fruits de cet arbre si haut, alors que nous avons tous les quatre contribué à le faire pousser. Oui, et moi je n’ai jamais mangé que quelques feuilles tombées à terre ! ajouta le lièvre, furieux. Comme le faisan et le singe ne voulaient rien entendre, l’éléphant et le lièvre demandèrent l’avis d’un pieux ermite qui vivait non loin dans une grotte.
Ne vous disputez pas !
Autrefois, il n’existait pas ce genre d’arbre merveilleux dans le monde. D’où vient cet arbre, comment a-t-il poussé ? Dites-le moi et peut-être trouverai-je un moyen de vous aider tous les quatre. Vénérable ermite, jadis cet arbre n’existait pas dans le monde. C’est moi, l’oiseau, qui en ai rapporté la graine de la région éthérée. cette bonne action ne me donne-t-elle pas le droit de manger ses fruits ? demanda le faisan. C’est moi qui ai planté la graine ! mais je n’ai pas goûté un seul fruit, seulement quelques feuilles tombées à terre. Trouvez-vous cela très juste ? ajouta le lièvre. Sans le fumier répandu à ses pieds, comment cet arbre aurait-il pu pousser si haut ? poursuivit le singe. Et pendant les temps de sécheresse, qui a transporté quotidiennement de l’eau pour l’arroser ? Sans elle, comment cet arbre aurait-il pu pousser si haut ? Et même trop haut, s’indigna l’éléphant !
D’après ce que j’ai entendu, répondu l’ermite, vous avez tous les quatre contribué à la croissance de cet arbre aussi magnifique que rare. Chacun donc a le droit de manger ses fruits ! Ne vous disputez pas et trouvez une solution pour que votre amitié perdure. Après avoir écouté les paroles du vénérable ermite, le lièvre proposa cette solution : pour cueillir les fruits, le singe se dressera sur le dos de l’éléphant, moi sur le dos du singe et le faisan sur mon dos. Une fois les fruits cueillis, le faisan me donnera des fruits, je les donnerai au singe, le singe à l’éléphant. Tous les quatre, nous pourrons ainsi déguster les fruits de cet arbre. Ainsi fut fait. Dès lors, l’amitié du faisan, du singe, de l’éléphant et du lièvre fut éternelle.
Morale de l’histoire…
Ces animaux représentent l’harmonie, l’unité et le dépassement du désir. Chacun d’entre eux a essayé d’aider les autres plutôt que d’être dominé par son propre désir, un temps soit peu égoïste. Leur relation solide est indépendante de l’âge, de la force ou de la taille de chacun.
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