Voyage au Bhoutan – 11 jours
J’en rêvais depuis longtemps et je l’ai fait ! Je suis partie découvrir le Bhoutan…
Après avoir franchi des démarches administratives un peu contraignantes, j’ai enfin découvert le pays du « Gross National Happiness » ou pays du « Bonheur National Brut ». Après des siècles d’isolement, le Roi a décidé d’entrouvrir les frontières du pays d’une manière progressive depuis 1974. Depuis, il a aussi autorisé l’entrée de la télévision et d’Internet en 1999.
Je suis arrivée au Bhoutan, en prenant un avion de l’unique compagnie nationale Drukair à Bagdogra au nord-est de l’Inde. En une heure de vol , je suis passée de l’Inde au Bhoutan, et plus précisément à l’aéroport de Paro, unique aéroport du Bhoutan situé à l’ouest du pays. Je suis émerveillée comme une petite fille par le survol de la chaîne de l’Himalaya et certains des plus hauts sommets glaciaires du monde avant d’être stressée par l’atterrissage. L’aéroport de Paro est l’un des aéroports les plus dangereux au monde. Il est situé à une altitude de 2 235 mètres, encastré au coeur d’une vallée encerclée par des montagnes qui culminent à plus de 5 000 mètres d’altitude et équipé d’une piste d’atterrissage qui ne mesure pas plus de 2 kilomètres de long… C’est un sacré challenge pour les quelques pilotes qualifiés et autorisés à pratiquer ces vols uniquement de jour.
Dès l’arrivée à l’aéroport, tout semble irréel…
Je dois me pincer pour réaliser que je ne rêve pas ! Je me répète comme un mantra « tu es au Bhoutan, tu es au Bhoutan… rends-toi compte, tu es au Bhoutan !
Je suis accueillie à l’aéroport par mon guide Sonam et mon chauffeur Karma. Tous deux portent leur tenue traditionnelle qu’ils ne quitteront jamais, quelles que soient les conditions météo, l’altitude, les activités pratiquées ou les conditions difficiles de transport. Les hommes revêtent le Gho, une sorte de kimono porté au niveau du genou, généralement gris, avec de hautes chaussettes sombres et les femmes portent la Kira, une jupe ou robe longue ceinturée assez austère, avec une petite veste.
Du coup, pendant ce voyage, c’est moi portait la culotte, enfn… le pantalon !
J’ai hâte que Sonam et Karma me parlent de la culture bhoutanaise et m’expliquent comment le qualificatif de « Pays du Bonheur National Brut » se concrétise pour la population.
Ils le feront tout au long de notre circuit de 11 jours au Bhoutan, en parcourant d’ouest au centre-est les villes de Paro, Thimphu, Gangtey, Bumthang, Trongsa, Punakha et Taktsang.
Ils m’expliqueront aussi que le peuple bhoutanais est le peuple le plus profondément bouddhiste dans le monde. Plus ils font des sacrifices physiquement ou moralement dans leur vie sur terre, plus ils accumulent les « bons points » nécessaires pour acquérir le meilleur karma pour leur réincarnation. Nous avons beaucoup plaisanté à ce sujet quand ils me parlaient tout au long de la journée de « cailloux blancs » pour les bonnes pensées et actions et de « cailloux noirs » pour les mauvaises.
Je crains avoir accumulé beaucoup de cailloux noirs au cours de mon voyage au Bhoutan, lorsque par exemple je ne tournais pas dans le bon sens autour d’un stupa, mes pas étant plutôt guidés par le meilleur angle ou la meilleure lumière pour prendre une photo !
Sonam mon guide et Karma mon chauffeur ont formé une équipe très professionnelle, mais aussi ouverte à toute discussion et pleine d’humour.
Impossible de restituer tout ce que j’ai vu et vécu durant mes 11 jours de voyage au Bhoutan, sans crainte de vous perdre avant la fin de mon article ! Je vais donc retracer les grandes étapes de mon voyage, avec mes bons et mes mauvais moments…
A Thimphu, la capitale
- Point névralgique de la capitale, le « National Memorial Chorten », construit en mémoire du troisième roi, Jigme Dominique Wangchuk, considéré comme le père du Bhoutan moderne. La population tourne autour de ce lieu de culte important, dans le sens des aiguilles d’une montre avec moulins à prière et chapelets à la main, du matin au soir.
- Le « Thimphu Tashichhoe Dzong » où siège le Roi actuel du Bhoutan. En fin de journée, j’ai eu la chance d’assister à la relève de la garde royale. Un cérémonial d’une rare intensité et un retour dans le temps !
- L’impressionnant Bouddha Dordenma, une statue haute de 59 m, assise sur la montagne qui veille sur la ville depuis les hauteurs.
- Deux lieux peu fréquentés des touristes : le marché couvert très intéressant pour découvrir l’agriculture du pays et l‘Institut de formation à la médecine traditionnelle où l’on découvre les vertus curatives des plantes médicinales traditionnelles cultivées dans le pays.
7Dans la vallée de Gangtey
J’arrive à Gangtey après 6 heures d’une route sinueuse qui traverse des forêts denses de pins et de cèdres. Sur les arbres, des guirlandes de mousses se développent, signe d’une absence totale de pollution.
- Le site de Dochu La offre lorsqu’il fait beau une vue panoramique superbe sur les chaînes de montagnes de l’Himalaya. Malheureusement pour moi, un intense brouillard enveloppe le site sur lequel 108 stupas sont construits à 3150 mètres d’altitude en hommage à la paix et à la stabilité apportées au Bhoutan par le 4ème Roi. Sonam me montre sur une carte les sommets de plus de 7 000 mètres d’altitude que j’aurais dû voir… Par beau temps, il est possible de voir la Table Mountain (7 094 m) et le Gangkar Puensum, plus haut sommet vierge de la planète (7 570 m) où l’alpinisme est interdit. Grrrhh, je suis frustrée ! La vallée de Gangtey, l’une des plus belles du pays, est aussi renommée pour les grues à cou noir en voie de disparition qui viennent y hiberner. Nous sommes en novembre et les grues devraient être là, mais je ne les ai pas vues non plus !
- Le principal monastère de Gangtey où de nombreux moines de tous âges résident. Contrairement aux moines en Asie du sud-est qui peuvent quitter le monastère et revenir à la vie civile, les moines bouddhistes bhoutanais s’engagent à vie. Les enfants y sont placés dès l’âge de 5 ans, pour étudier les textes bouddhistes et leur formation initiale s’achève vers 30 ans, par une période de « dark meditation », durant laquelle le moine se retire pour prier et méditer dans une grotte.
Dans ce monastère, j’observe la vie des moinillons dans des cellules closes par des tankas (tentures) aux symboles religieux. Ils ressemblent à tous les enfants et jouent à la toupie ou s’essayent à l’harmonica donné par un touriste… Tous, sont en charge des tâches domestiques et les plus grands réalisent les lampes à huile ou des sculptures en beurre coloré. Je n’ai jamais vu ailleurs de telles richesses et une telle beauté que dans les temples bhoutanais. Je ne peux malheureusement pas vous les montrer, les photos sont interdites dans ces lieux sacrés.
Bumthang
Journée cauchemardesque pour atteindre difficilement Bumthang. La pire de mes 11 jours au Bhoutan ! Plus de neuf heures de route pour faire 150 kms… La route qui traverse le Bhoutan d’ouest en est est en travaux pour plusieurs années et est quasiment impraticable par endroit, avec une chaussée très boueuse par temps de pluie et des camions à la vitesse limitée à 30 kms/heure dont plusieurs d’entre eux renversés sur la route rendaient la circulation impossible.
D’autres touristes qui avaient un véhicule et un chauffeur moins performants que les miens sont arrivés à l’hôtel après 12 heures de trajet. Une journée mémorable dans le froid, la pluie et le brouillard, avec la traversée de paysages spectaculaires de terres agricoles en terrasses, avec des rivières nichées dans des vallées profondes, des fermes et des monastères perchés sur des flancs de montagne abrupts. Et, des pauses-toilette improvisées en pleine nature dans des conditions difficiles…
Le lendemain de mon arrivée, j’ai pû réaliser mon programme de visites :
- Rencontre avec un agriculteur local. J’avais demandé à mon guide de me faire rencontrer un producteur qui m’a fièrement fait visiter son exploitation de beaux légumes 100% bio. Le Bhoutan a pour objectif de devenir le premier pays au monde à vivre d’une agriculture 100 % biologique en 2020. Il n’y a pas une grande variété de légumes et la cuisine n’est pas très inventive ! C’est une cuisine rustique traditionnelle composée essentiellement d’une assiette de riz rose accompagnée de viande en sauce (boeuf, poulet ou porc) et de plusieurs variétés de légumes, le tout hyper épicé. Le plat national est l’Ema Datshi, un ragoût de piments, oignons et fromage, quasiment immangeable pour des occidentaux…
- Visite du site de Mebar Tsho et de son lac connu sous le nom de Burning Lake (lac brûlant). Ce site naturel se trouve à environ 1 heure et demie de route de Bumthang vers l’est du Bhoutan. Il s’agit d’une sorte de grande piscine naturelle, avec de gros tourbillons, creusée au pied de rochers très élevés.
C’est un endroit chargé de légendes où de très nombreux drapeaux de prière flottent au vent. Le rôle des drapeaux est de disséminer aux vents les mantras imprimés sur leur tissu. Les drapeaux ont des significations différentes selon leurs couleurs. Pour faire court… le bleu représente le ciel, le blanc représente le vent, le rouge est associé au feu, le vert représente l’élément eau et le jaune est associé à la Terre. Ils sont toujours alignés dans le même ordre (de gauche à droite) : le bleu, le blanc, le rouge, le vert et le jaune. La santé et le bonheur résultent de l’état d’harmonie qui découle de l’union de ces cinq éléments.
Lorsque j’étais sur le site du lac, Sonam, mon guide redoublait de consignes de prudence à mon égard lorsque je montais sur des rochers ou voulait un peu m’éloigner de lui. Il régnait une grande tension chez les guides présents. En le « harcelant » gentiment de questions, il finit par m’avouer que deux jours plus tôt, un français avait péri dans ce lac.
Sa femme était montée sur un rocher pour prendre des photos, et était tombée à l’eau. Son mari a sauté pour essayer de l’aider à regagner la berge, mais a succombé à la suite d’une crise cardiaque. Le guide qui avait sauté pour leur venir en aide, bien que ne sachant pas nager, a été entraîné par les tourbillons et son corps n’avait pas été retrouvé 48 heures plus tard. Sonam et Karma m’ont expliqué très sérieusement qu’une déesse « démone » vivait dans le lac et enlevait la vie à tous les hommes qui perturbait son habitat. Chaque année, plusieurs hommes, locaux ou touristes disparaissaient ainsi… J’ai essayé de leur dire qu’il devait bien y avoir une raison plus rationnelle à ces disparitions d’hommes, mais il ne leur était absolument pas possible de mettre en doute cette croyance mythologique. Deux jours plus tard, à la télévision, le Roi félicitait le courage du guide et le remerciait de s’être porté au secours des touristes. J’ai cru comprendre en discutant à l’hôtel le soir avec d’autres guides et touristes que le guide n’avait de toute façon pas d’autre choix que de se jeter à l’eau, même s’il ne savait pas nager…
La sécurité des touristes est une priorité de l’Etat et de tous les guides accompagnateurs, et j’ai compris pourquoi Sonam était inquiet lorsque j’essayais d’échapper à sa vigilance…
TRONGSA
Trongsa s’enorgueillit d’avoir le plus beau dzong du Bhoutan, la maison ancestrale du monarque, où vivent des centaines de moines. C’est le lieu historique d’où les tentatives d’unification du pays ont été lancées. Construit en 1648, c’était le siège du pouvoir dans le Bhoutan central et oriental où le premier et le second roi gouvernèrent.
Quand j’y suis allée, le pays se préparait à fêter le 11 novembre, les 60 ans de l’ancien Roi, père du Roi actuel. Le pays voue un véritable culte à son Roi qui a abdiqué à l’âge de 50 ans en faveur de son fils en 2005. Des portraits des deux Rois étaient affichés dans les rues et dans tous les monastères. La population et les moines répétaient sans cesse des danses pour les festivités qui allaient se dérouler un peu partout dans le pays.
La campagne autour de Trongsa est très belle, avec de nombreuses cultures en terrasse.
Punakha
Visite du Dzong de Punakha, l’un des plus anciens dzongs du pays construit en 1637. C’est ici que le 17 décembre 1907, le premier roi du Bhoutan, Gongsar Ugyen Wangchuk a été couronné.Timphu remplacera Punakha comme capitale du pays en 1961, mais ce Dzong reste encore la résidence d’hiver de la famille royale et des moines. L’intérieur, très richement décoré, révèle un monde symbolique entre mandalas cosmiques, bouddhas et divinités tantriques…
En 11 jours au Bhoutan, j’ai eu le temps de visiter également les petits villages des environs de Punakha. En raison de la proximité de l’anniversaire du Roi (père du Roi actuel) le 11 novembre, j’ai vu de nombreux groupes danser au cours de grands rassemblements toute la semaine et j’ai pû assister à des concours de tirs à l’arc, le sport national. Les compétitions opposent deux équipes de 11 tireurs chacune, qui doivent atteindre le plus de fois possible le centre d’une cible fixe située à 140 mètres de distance. A chaque fois que l’objectif est touché, cela déclenche des cris de victoire et des rasades d’alcool ! La population bénéficie de jours de congés pour pouvoir se réunir et fêter dignement cet événement.
La vallée de Paro
Randonnée au monastère de Taktsang (Nid du tigre), l’un des sites les plus vénérés et sacrés de tous les sites bouddhistes à travers le monde. La légende dit que Guru Rimpoche, fondateur du bouddhisme a traversé le pays en volant depuis l’est du Bhoutan sur une tigresse, pour diffuser les enseignements bouddhistes, méditer et chasser les mauvais esprits… Atteindre Taktsang, perché à 2 950 m sur le flanc d’une falaise, à 900 mètres au-dessus de la vallée de Paro, n’est pas une randonnée facile et dure environ 5 heures. On voit le monastère aggripé à la montagne de si loin, que je ne pensais pas être capable d’escalader le sentier abrupt qui y mène à travers une forêt dense. Il paraît réellement inatteignable !
Deux options s’offrent au visiteur : grimper tout à pied ou effectuer la première moitié du trajet à dos de mule ou de cheval. Je n’ai jamais fait de cheval de ma vie, c’est l’occasion ou jamais ! L’escalade se poursuit et finit par 720 marches avant d’arriver dans ce lieu sacré. Je ressens un mélange de joie, de fierté et le sentiment de vivre un moment exceptionnel en y arrivant.
La vallée de Paro est une très belle vallée, et l’une des plus fertiles du pays où l’on cultive et produit une grande partie du riz rouge dans des champs en terrasses. Elle abrite aussi de nombreuses maisons de village traditionnelles très colorées, traditionnellement construites sans l’utilisation de clous, avec un toit en tôle ondulée, l’abattage d’arbres étant désormais interdit. Les façades ornées de bois sculpté sont superbes, et l’on reste forcément étonné face aux nombreuses représentations peintes de phallus porte-bonheur et protecteurs qui ornent les maisons.
Le Dzong de Paro est quant à lui l’un des dzongs les plus impressionnants et les plus connus du Bhoutan, et peut-être le plus bel exemple d’architecture bhoutanais que l’on puisse voir.
Dernier clin d’oeil de mon voyage au Bhoutan
Je quitte le Bhoutan le 11 novembre, jour de l’anniversaire du père du Roi actuel. Les hôtesses de la compagnie Druk Air offrent à tous les passagers un cadeau et un gâteau d’anniversaire pour fêter les 60 ans de l’ancien Roi. Ce pays me surprendra jusqu’au bout !
11 jours de voyage au Bhoutan ne m’auront permis de voir que la moitié du territoire ! J’espère y retourner…
Pour suivre l’actualité du pays et connaître les dates des événements pour votre voyage au Bhoutan, consultez le site des Amis du Bhoutan
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