Toujours en balade dans la région d’Emilie Romagne où je partage mes visites entre culture et agriculture ! Après avoir découvert la belle ville de Bologne et visité une entreprise de jambons Prosciutto de Modène, c’est reparti !
Aujourd’hui, je visite une fromagerie qui produit du Parmigiano Reggiano dans le petit village de Recovato di Castelfranco, à une quinzaine de kilomètres de Modène. Je vais y découvrir pourquoi le Parmigiano Reggiano d’Appellation d’Origine Protégée – mieux connu en France sous le nom de Parmesan AOP – est un fromage unique et inimitable.
La principale et très bonne raison est que la production du lait, la transformation, l’affinage et le conditionnement du Parmigiano Reggiano ne peuvent être réalisés que sur le territoire des provinces de Parme, Reggio Emilia, Modène, Mantoue (à la droite du Pô) et Bologne (à la gauche de la rivière Reno). C’est très précis !!!
Seul le lait cru provenant de cette région peut être utilisé pour répondre au cahier des charges très exigeant de production du Consortium du Parmigiano Reggiano.
Je suis vraiment curieuse de voir comment le lait des vaches que je vois paître paisiblement à côté de la fromagerie va se transformer en un fromage mondialement connu, victime de nombreuses contrefaçons et imitations.
Les origines du Parmigiano Reggiano
Le Parmigiano Reggiano est l’un des fromages les plus anciens au monde qui est produit aujourd’hui avec les mêmes ingrédients qu’il y a neuf siècles (lait cru, présure et sel). Son histoire remonte au Moyen Âge lorsque des moines bénédictins, motivés par le besoin de disposer d’un fromage qui se conservait longtemps ont été les premiers producteurs de Parmigiano Reggiano. Ils utilisaient à l’époque du sel provenant des salines locales et le lait des vaches élevées dans les fermes des monastères. On retrouve dans un acte notarial des Archives d’État de Gênes en l’an 1254 le premier témoignage écrit de la production du « caseus parmensis ».
Au XVIe siècle, les cuisiniers de l’époque commencèrent à citer le « Parmigiano » dans plusieurs recettes de pâtes et de desserts. C‘est aussi le début de son exportation dans toute l’Europe. Un siècle plus tard, la nécessité de protéger commercialement le produit des autres fromages similaires conduit le Duc de Parme à officialiser son appellation d’origine par un acte signé en 1612. Le document définit les lieux d’où devait provenir le fromage pouvant s’appeler de Parme : cette date marque le début de l’histoire de l’Appellation d’Origine, reconnue aujourd’hui au niveau européen. Trois siècles plus tard, en 1996, le Parmigiano Reggiano est reconnu comme une AOP européenne.
Rencontre avec des producteurs et visite du site de production
La fromagerie que je visite est une petite structure familiale. Ce sont Térésa et son mari Ilario qui ont créé l’exploitation en 1982 avec une étable et 5 vaches seulement… Térésa parle de ses rêves devenus réalité » Nous faisions du foin, traitions les vaches dans la cour, vendions du lait. Les veaux ont commencé à naître et notre écurie est devenue de plus en plus grande… Notre famille s’est également agrandie avec Roberto notre fils qui est désormais le propriétaire de notre entreprise.
Aujourd’hui nous avons 1200 vaches et la façon dont nous les élevons n’a pas changé. Nous nourrissons nos vaches uniquement avec du foin et des céréales issus de l’agriculture biologique. Pas de semences génétiquement modifiées, ni herbicides, ni engrais chimiques pour nos fourrages !
Il y a 8 ans, nous avons commencé à produire du lait biologique et, il y a 2 ans et demi, nous avons commencé à faire du fromage. Aujourd’hui, notre rêve est réalisé et le pari est gagné. Nous produisons du Parmesan, de la caciotta, du beurre, de la mozzarella, de la ricotta entièrement bio. Suprême récompense, notre Parmiggiano Reggiano a obtenu en 2019 une médaille d’or à la « World Cheese Award 2019 » !
Notre ferme est une chaîne d’approvisionnement en filière « courte » ou « zéro km ». Cela signifie que toutes les étapes de la production (de la culture du fourrage pour les vaches au conditionnement de nos produits) se déroulent au sein de notre ferme et de notre laiterie.
Nous ne gaspillons rien et tirons le meilleur parti de toutes les ressources dont nous disposons. Nous recyclons les déchets organiques des animaux pour produire de la lumière et de l’eau chaude. «
L’art de la transformation
Enfilez votre blouse de protection, vos chaussons et votre charlotte, la visite va commencer… et vous allez assister à la transformation du lait en Parmesan !
Il faut venir tôt à la laiterie le matin pour assister à toutes les phases du travail. Une fois la traite effectuée, le lait est transporté à la laiterie. Il provient de plusieurs espèces de vaches qui ont chacune leurs spécificités et différentes qualités : les Frisone Italiennes, la Blanche de Modène (menacée d’extinction et soutenue par Slow Food), la Race Brune et la Vache Rouge.
Ces vaches sont nourries avec du fourrage produit uniquement dans cette région. Le Cahier des charges du Consortium Parmigiano Reggiano impose en effet de les nourrir principalement avec du fourrage local, ainsi qu’avec des aliments végétaux à base de céréales comme l’orge, le froment et le maïs bio. Les aliments fermentés et toutes les formes d’ensilage (le maïs par exemple) sont interdits, tout comme les aliments d’origine animale ou les sous-produits de l’industrie alimentaire. Ce lait, naturellement riche en protéines et en sels minéraux possède des caractéristiques microbiologiques bien particulières.
Savez-vous comment est fabriqué le Parmigiano Reggiano ?
Voici les 6 phases de fabrication :
1/ Le travail du lait : Le lait du matin est apporté dans un délai de deux heures après la traite. Le lait de la traite du soir (de la veille) est resté au repos pendant toute la nuit dans de grandes cuves, d’où remonte spontanément la partie grasse destinée à la production de beurre. Le lait entier de la traite du matin est mélangé avec le lait écrémé de la veille. Chaque meule de Parmigiano Reggiano nécessite environ 550 litres de lait. La coagulation du lait s’effectue lentement et naturellement grâce à l’ajout de présure (une enzyme naturelle qui permet d’accélérer le caillage du lait) et du petit-lait issu du lait travaillé la veille, riche en ferments lactiques naturels.
2/ Le moulage du caillé : Lorsque le caillé est formé, Il sera cassé à plusieurs reprises par le maître fromager qui en vérifie la bonne consistance, puis fragmenté en de minuscules granulés grâce à un vieil outil appelé « spino ».
3/ La cuisson : Lorsque le caillé est à bonne consistance, le mélange est ensuite chauffé à 55 degrés Celsius pour déshydrater le grain. Au bout d’une heure les protéines du lait s’amalgament, tombent au fond du chaudron et constituent une masse que le maître fromager remonte à la surface. Elle est alors emmaillotée dans une toile de lin, puis tranchée en deux et séparée dans les deux linges. Les deux meules de caillé sont ensuite introduites dans des moules cylindriques dans lesquels elles resteront 2 à 3 jours pour obtenir leur forme définitive.
Chaque meule de Parmigiano Reggiano reçoit alors « sa carte d’identité. » Tout d’abord à l’aide d’un cachet de caseine qui comporte un code d’identification (année de production), les lettres CFPR (Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano) et un code alphanumérique. Cela permet l’identification de la meule et assure sa traçabilité. Puis, le premier jour d’égouttage, une bande de marquage circulaire introduite entre le fromage et le moule permet d’imprimer sur la meule les lignes de pointillés typiques, le nom Parmigiano Reggiano, le matricule de la fromagerie, le mois et l’année de production, enfin les mentions DOP (AOP européenne) et Consorzio Tutela (Consortium de Tutelle).
4/ Le salage : Après quelques jours, les meules sont plongées dans une solution saturée d’eau et de sel pendant 20 à 25 jours. Ce dernier passage met fin au cycle de fabrication du Parmigiano Reggiano. Commence alors la période d’affinage.
5/ La cave d’affinage : Après avoir reposé sur des planches en bois, la partie extérieure du fromage sèche en formant une croûte naturelle, sans traitements, donc parfaitement comestible. L’étape de l’affinage va durer au minimum 12 mois. La température en cave d’affinage est maintenue à environ 18 à 20°C avec un taux d’humidité élevé pour éviter le dessèchement trop rapide du fromage.
6/ L’ expertise : Au bout de 12 mois, c’est l’examen de passage ! Les experts du Consortium du Parmiggiano Reggiano contrôlent toutes les meules lors d’une expertise : chaque meule est frappée à l’aide d’un petit marteau et l’oreille experte du batteur reconnaît d’éventuels défauts internes susceptibles d’interférer avec la qualité exigée par l’AOP. Parfois, un vide se forme dans la pâte et le fromage va donc sonner creux sous le marteau. C’est seulement après cet examen qualité qu’il sera établi si les meules pourront continuer leur vieillissement jusqu’à 24, 36, 40 mois et plus.
J’ai eu la chance de visiter la fromagerie le jour d’une expertise réalisée trois fois par an par le Consortium de Parmigiano Reggiano. Perché sur un élévator, l’expert teste les meules avec son petit marteau dans un silence de cathédrale. La résonance du fromage et son apparence lui permettent immédiatement de classer les fromages en trois catégories :
- Le Parmigiano Reggiano « scelto » : c’est un fromage sélectionné, entièrement conforme aux indications du cahier des charges de fabrication. Il est marqué à chaud.
- Le Parmigiano Reggiano « mezzano » : c’est un fromage intermédiaire, qui présente quelques défauts de la texture de la pâte et/ou de la croûte, mais sans altération des caractéristiques organoleptiques typiques du produit. Il est marqué à chaud, mais il est caractérisé par des sillons parallèles qui sont tracés de manière indélébile sur le talon de la meule.
- Le Fromage « sbiancato » : c’est un fromage qui présente des défauts importants et qui est déqualifié par l’élimination des marques d’origine, réalisé par le fraisage de la croûte. Ce fromage ne peut ainsi pas être appelé Parmigiano Reggiano et ne peut plus revendiquer la mention AOP.
A chaque âge ses saveurs !
Il en va du Parmigiano comme du vin… Les connaisseurs peuvent identifier l’âge d’un morceau à sa couleur, son parfum et son apparence.
Plus il vieillit, plus son goût, son arôme et sa texture s’affirment et plus les grains de tyrosine sont visibles.
Le goût du Parmigiano Reggiano de 12-19 mois est qualifié de « délicat », celui de 20-26 mois est « harmonieux », celui de 27-34 mois est « aromatique » et celui de 35-45 mois est bien entendu « intense » !
J’ai testé et dégusté du Parmigiano 13 mois et 36 mois. Leurs goûts et leurs textures n’ont rien à voir ! On dirait que ce ne sont pas les mêmes fromages.
Voilà, maintenant, vous savez tout sur le Parmiggiano Reggiano !
Un petit point santé pour finir… Produit naturellement sans lactose, facile à digérer et très riche d’un point de vue nutritionnel, le Parmigiano Reggiano est produit sans additifs, ni conservateurs. Sa concentration en protéines, vitamines, calcium et sels minéraux le rendent adapté à tout âge.
Vous allez pouvoir le déguster cru ou le cuisiner, selon l’envie.
Quelques recettes de voyage…
– Cotoletta alla bolognese (escalopes à la bolognaise)
A suivre…
Ma prochaine découverte des spécialités de la région avec Katia, créatrice de circuits gastronomiques en Emilie Romagne, se déroulera dans l’univers des producteurs « d’Aceita balsamico de Modène « , plus connu en France sous le nom de vinaigre balsamique de Modène. Un univers plutôt méconnu…
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